Me Guillaume Sapata aux côtés de Manon Chemin, élève avocate, conseils des sapeurs-pompiers, parties civiles.
Publié le 20/03/2024 à 6h00.
Le 20 octobre 2023, un automobiliste fortement alcoolisé était interpellé après un rodéo devant le collège Toulouse-Lautrec. Ce mardi 19 mars, il a été condamné par le tribunal correctionnel
C’est l’heure de la sortie des classes, il pleut et de nombreux parents sont stationnés près du rond-point aux abords du collège Toulouse-Lautrec à Langon. Le 20 octobre 2023, on frôle le drame alors qu’un automobiliste ivre multiplie les dérapages, moteur vrombissant.
Une odeur de pneus brûlés envahit la place, des véhicules sont bloqués. Une équipe de sapeurs-pompiers, dont la caserne est toute proche, intervient et constate que le conducteur « fait n’importe quoi » tandis que son passager filme la scène avec un téléphone portable.
Lorsque le chauffard s’arrête, les pompiers s’avancent et sont accueillis par un flot d’insultes. « Ta gueule, va te faire foutre, fils de p*** » sont lancés. « Il m’a dit ‘‘dégage’’ et a accéléré », raconte l’un des pompiers, partie civile, devant le tribunal correctionnel de Bordeaux, mardi 19 mars. « J’ai vu la voiture arriver très vite. J’ai cru qu’il allait me charger et me percuter. J’ai pensé à mes enfants, à ma famille. Et, avec le recul, je me suis rendu compte que j’allais peut-être mourir alors que mon métier consiste à sauver des vies. C’est encore très éprouvant aujourd’hui. »
Interpellé quelques minutes plus tard par les gendarmes appelés en renfort, le chauffard est dépisté avec 2,14 g d’alcool dans le sang. Les insultes et menaces continuent de pleuvoir. « T’as niqué ma vie, t’es content, je vais te retrouver toi et ta famille. »
Des regrets
« Je ne me reconnais pas dans ces paroles, je suis honteux et tiens à m’excuser. Tout ce que j’ai prononcé, je le regrette », dit le chauffard à la barre du tribunal. Le jour des faits, il est en congés et a fait un mélange alcool-médicaments. « J’étais sous traitement antalgique, j’avais pris un comprimé de Tramadol. »
« J’ai vu la voiture arriver très vite. J’ai cru qu’il allait me charger et me percuter »
La présidente d’audience Sonia Silva s’inquiète de savoir s’il a « une animosité particulière envers les sapeurs-pompiers et les gendarmes ».
« Non, heureusement qu’ils sont intervenus car ça aurait pu mal finir », se désole le prévenu, quadragénaire au casier judiciaire vierge, avouant « n’avoir aucun souvenir de ce qu’il s’est passé ». Un gendarme, sur le banc des parties civiles, se souvient des insultes et des menaces « qui ont duré très longtemps. J’y pense toujours. »
« Il a voulu faire le kéké »
« L’impact psychologique et le préjudice moral sont conséquents », assène l’élève avocate Manon Chemin aux côtés de Me Guillaume Sapata, conseil des trois pompiers victimes.
« Il y a six infractions dans un contexte d’alcoolisation massive », observe la vice-procureure Lydie Reiss, pointant une « escalade dans le comportement » du conducteur. « Il a voulu faire le kéké et a cherché à impressionner, considère Me Félix Molteni, avocat de l’automobiliste. Il n’y avait pas de volonté de porter atteinte aux pompiers et aux gendarmes. »
Dans son délibéré, le tribunal a condamné le chauffard à dix mois de prison avec sursis probatoire pendant deux ans avec obligation de soins en addictologie, interdiction de conduire un véhicule pendant un an sans qu’il soit équipé d’un éthylotest antidémarrage et obligation de suivre un stage de citoyenneté.