Le conducteur avait été arrêté au niveau du cinéma UGC après une course-poursuite d’une dizaine de minutes. © Crédit photo : Jean-Michel Desplos
Par Christophe Loubes
Publié le 12/09/2022 à 20h21
Mis à jour le 12/09/2022 à 20h25
L’automobiliste qui avait chargé un policier mercredi 7 septembre, dans le quartier des Chartrons, a été condamné à trois ans de prison ferme. Sa victime était encore sous le choc ce lundi, lors de l’audience correctionnelle
« Depuis mercredi dernier je ne dors quasiment plus. J’ai toujours la sensation d’un danger immédiat. » Le policier qui témoigne devant le tribunal correctionnel de Bordeaux a le visage blême et les yeux rougis. Il est arrêté pour au moins une semaine depuis le 7 septembre.
Ce jour-là il a vu une puissante BMW lui foncer dessus dans le quartier des Chartrons. « J’ai eu le temps de faire un pas de côté pour ne pas être touché et j’ai tiré pour écarter le conducteur, détaille le policier. J’ai eu peur de mourir. Je le sentais capable de donner à tout moment un coup de volant pour me percuter. »
« J’ai eu peur de mourir. Je le sentais capable de donner à tout moment un coup de volant pour me percuter »
Le témoignage de ce fonctionnaire marque l’assistance lors de l’audience en comparution immédiate de ce lundi 12 septembre. Tout comme la course-poursuite du prévenu avait marqué les automobilistes et les piétons qui se trouvaient du côté de la rue Lucien-Faure cinq jours auparavant, vers 17 heures, alors que le trafic était dense. Conduite en zigzag, passage sur les trottoirs, gros excès de vitesse : des faits qui valent à leur auteur, Anthony Zigler, 33 ans, d’avoir été condamné à trois ans de prison ferme.
« J’ai été débile »
À l’audience le prévenu reconnaît les faits. « J’ai été débile, dit-il. Je tiens à m’excuser. Je ne voulais pas mettre les policiers en danger mais j’ai été pris de peur. » Peur de quoi ? De perdre définitivement son permis de conduire, qui venait d’être suspendu a-t-il expliqué après son interpellation. Mais le procureur Olivier Étienne suppose qu’il y a plus que ça. Il pointe la voiture, évaluée à près de 60 000 euros. Officiellement, elle appartient à la tante par alliance du prévenu, « mais celle-ci ne sait même pas où elle a été achetée, si elle est assurée ou pas, et elle n’a pas répondu à la convocation de la police pour s’en expliquer. »
Il s’étonne aussi des 5 500 euros en liquide que le prévenu portait sur lui, officiellement des économies personnelles destinées à acheter un quad à son fils âgé de… 3 ans ! Et il y voit plutôt la trace d’un travail dissimulé. Il souligne enfin le passé judiciaire de l’automobiliste, déjà condamné pour avoir notamment volontairement percuté une voiture à la sortie d’une discothèque, ce qui avait entraîné la mort d’une personne.
« Contexte médiatique peu favorable »
Pour Me Sapata, qui défend le policier, « le refus d’obtempérer ne doit plus être une option. Ces faits reviennent trop souvent. » 20 % de cas en plus entre 2020 et 2021, confirme le procureur de la République. Mais pour Me Benoît Ducos-Ader, avocat du prévenu, le jugement ne doit pas tenir compte d’un « contexte médiatique peu favorable » à son client. Et de rappeler qu’au départ desdits faits, il n’y a pas d’infraction. « S’il a pris peur, c’est parce que les policiers ont voulu contrôler son véhicule après avoir entendu parler de BMW trafiquées. D’ailleurs, la qualification d’homicide volontaire n’a pas été retenue. »
Quant à l’argent liquide trouvé sur l’automobiliste, il l’explique par le fait que « les gens du voyage, comme M. Zigler, ont du mal à passer à la carte bleue. Mais il n’est pas interdit de détenir 5 000 euros en espèces. » Sur ce point, le tribunal l’a suivi en ne condamnant pas le prévenu pour blanchiment. En revanche il l’a condamné à payer 2 450 euros au policier, il a annulé son permis de conduire et confisqué la voiture.